Mémoire et imagination

Les rapports entre mémoire (épisodique) et imagination (sensorielle) font l’objet d’une littérature abondante depuis au moins deux décennies en philosophie de l’esprit. Les questions de leurs phénoménologies respectives (Kind 2022), de la continuité entre les deux facultés, voire de leur possible identité si la mémoire épisodique est une forme de simulation contrôlée du passé, une espèce dans le genre des voyages temporels mentaux (Michaelian 2016), sont au centre de discussions nourries (Berninger & Vendrell Ferran 2022).

Les phénomènes banals des faux souvenirs ou du doute quant à l’authenticité d’une image mentale apparemment mnésique semblent établir que le sujet peut se trouver dans un état mental, ou entretenir une représentation, dont il ne peut déterminer si c’est un souvenir, ce qui pose à la fois le problème épistémique de savoir si une représentation est bien un souvenir, et le problème métaphysique du rapport entre les deux types de faculté et de représentation. Mon objectif est ici modeste. Je souhaite suggérer que le problème de savoir comment différencier mémoire et imagination appelle une solution doublement contextualiste, qui constitue respectivement un contextualisme de la réponse et un contextualisme de la question.

D’une part, il n’y a pas de raison qu’existent des critères universels ou absolus pour déterminer si tel souvenir apparent est un authentique souvenir ou un pur produit de l’imagination.

D’autre part, la question de la distinction entre mémoire et imagination se pose non pas en général mais toujours par rapport à un épisode précis, ce qui présuppose en réalité la distinction : nous n’aurions pas la place pour nos concepts de mémoire et d’imagination dans nos vies et la maîtrise que nous en avons effectivement, si nous ne les contrastions pas de façon décisive, ce qui tendrait à limiter la portée de toute thèse qui conduirait à identifier ces deux facultés.