Les limites de la compréhension

Un débat traverse à la fois les sciences sociales et la philosophie des sciences sociales et porte sur la manière dont il doit être rendu compte des conduites humaines. Si l'on rejette les approches purement naturalistes ou objectivistes, une telle démarche implique d'intégrer, d'une manière ou d'une autre, le point de vue des acteurs eux-mêmes. La question devient alors de savoir quel est le critère d'une bonne interprétation. Dans une perspective soutenue notamment par Wittgenstein et, plus explicitement, par Peter Winch, rendre compte d'une conduite implique de mobiliser des termes que l'agent lui-même pourrait accepter (ce qui n'est pas tout à fait la même chose que de dire que l'on doit employer uniquement les termes que l'agent emploie spontanément pour parler de ce qu'il fait). Le problème est que ce critère est, en réalité, très difficile à appliquer et qu'il ne recouvre que très partiellement ce que l'on met sous les termes "interprétation" ou "compréhension". L'exposé vise à montrer que, dans bien des cas, l'interprétation consiste à fournir un commentaire, couché dans des termes qui nous sont accessibles, des conduites ou attitudes indigènes, ce qui est très différent de produire un compte-rendu qu'ils pourraient faire leur.