IA et sens commun

Dans cette intervention, nous souhaitons examiner à quelle condition un sens commun est possible malgré les transformations socio-politiques aujourd’hui engendrées par les pratiques personnelles, sociales et administratives du numérique et de l’intelligence artificielle. La notion de sens commun joue en effet un rôle fondamental pour la tradition de pensée politique qui tente de fonder la raison pratique, tradition qui réunit les divers courants du républicanisme et celle du libéralisme politique – ces positions, divergentes sur bien des aspects, nourrissent en effet une même idée de la conversation civile à la base de la démocratie.

Nous montrerons d’abord comme le sens commun est mis à mal par la variété des usages du numérique et de l’IA, faisant exploser la représentation simple de la subjectivité politique et ruinant les paradigmes les plus larges de la démocratie, si bien que celle-ci ne parvient plus à se représenter à elle-même. 

Nous examinerons ensuite comment un nouveau processus de subjectivation, individuel et collectif, est susceptible d’apparaitre commun, du moins en tant que tâche cardinale pour les contemporains. 

Le sens commun des contemporains ne se décèle-t-il dans cette tâche ? En d’autres termes, un nouveau sens commun est possible non pas malgré les transformations socio-politiques aujourd’hui engendrées par les pratiques personnelles, sociales et administratives du numérique et de l’intelligence artificielle, mais à travers elles et dans une certaine mesure grâce à elles. Pour entendre ce paradoxe, il est nécessaire d’examiner la philosophie des techniques implicites mobilisée pour concevoir ces sujets – ici, la philosophie politique découvre qu’elle doit amender son point de vue spontané sur les technologies. Si l’on veut préserver l’humanisme démocratique, il faut le refonder sur un modèle élargi à la compréhension des technologies.